Essentielle : Comment parler de sexe à mon ado?
David GOULOIS :. La communauté scientifique s’entend à penser que l’adolescence commence à 14 ans. Or, de plus en plus de professionnels observent une précocité développementale de plus de plus généralisée. Ainsi, on ose parler d’adolescence dès 12 ans. A ces âge, période de bouleversements physiques, physiologiques et psychiques, l’on parle de sexualité à un ado un peu différemment qu’à un enfant plus jeune. Mais toujours avec le souci de la franchise. Si un pré-pubère évoque la sexualité « scientifiquement », l’ado, lui en parle davantage avec le registre émotionnel. Au sexe, se mêle amour, émois de tous genres, tabous sexuels, désir de faire comme l’adulte et d’être reconnu comme son égal…Il convient alors de parler de sexualité franchement, au moins en ce qui concerne la contraception et maladies sexuellement transmissibles. Pour les « aspects techniques » des pratiques sexuelles, l’on pourra se suffire d’une explication sur le coït vaginal, en sommes l’acte reproductif. Tout ce qui est fellation et autres pratiques ne sont pas à aborder, sauf si le jeune pose des questions sur ses sujets. De toute façon il complétera ses lacunes avec ses amis et par les médias (je pense notamment à des antennes de radio, qui animent des discussions sur le sujet). Si l’on n’arrive pas à parler de sexualité avec son enfant, il convient alors de passer par le médecin de famille ou pédiatre. Bien que par expérience, ces derniers ne sont pas forcément à l’aise avec le sujet. Les spécialistes avec lesquels le parent est certain que son enfant trouvera un interlocuteur de choix concernant l’évocation la sexualité, reste le psychologue ou le psychiatre. Un « psy » n’a aucun tabou.
Essentielle : A quel moment faut-il aborder le sujet de la sexualité avec son ado?
David GOULOIS : Déjà il convient de d’expliquer à son enfant « comment on fait les bébés ». L’on dira la vérité, l’on n’évoquera pas les fables telles que la « cigogne, le choux ou la rose ». L’on ne doit pas mentir à son enfant, surtout sur un sujet qui prendra tant d’importance dans sa vie. Il faut en parler sans honte, car après tout, sexe et amour, tout le monde en fait, et ce depuis que l’homme est homme. A l’adolescence, l’on évoquera donc la sexualité dès que l’occasion se présentera, le mieux étant lorsque l’on est en famille restreinte avec l’enfant, entendu papa, maman, et éventuellement la fratrie. Vers 13 ans, l’on peut dire que c’est le bon moment pour en parler : à cet âge il a normalement quitté le monde de l’enfance, et considère de loin la sexualité. Bien qu’il faille reconnaître que dans les outres-mers, les grossesses précoces sont légions (le lecteur trouvera nos publications universitaires sur le sujet ainsi que notre thèse de doctorat) et ont parfois lieu, dès 12 ans !
Essentielle : Quelles sont ses choses essentielles à lui dire?
David GOULOIS : L’on doit comme je l’ai dit, évoquer la pénétration vaginale. Mais aussi refaire un point sur la conception en elle-même et donc évoquer la contraception. Les maladies doivent être évoquées. Mais surtout, l’on doit parler du respect de l’autre et de soi-même. En particulier aux filles, qui pourraient être tentées d’offrir trop rapidement leur virginité à un garçon souvent plus âgé et donc ayant une ascendance sur elle. Souvent, les filles « couchent » par amour, sans comprendre pleinement tous les enjeux de leur acte. Enfin, l’on doit considérer à notre époque moderne qu’il est préférable d’avoir des rapports sexuels avant mariage et si possible, d’avoir eu quelques relations amoureuses ( jusqu’à 5 ou 6, l’on est dans la norme) avant de ne se réserver qu’à son élu. Dans le cas contraire, les mariages ne sont pas toujours heureux, du côté de madame, comme de monsieur.
Essentielle : S’il/si elle est déjà actif/ve sexuellement, comment faut-il gérer cette nouvelle donne ?
David GOULOIS : Tout dépend de l’âge. Les filles sont, à âge égal, plus « matures »que les garçons. C’est d’ailleurs pour cela qu’elles vont vers des partenaires plus âgés, le plus souvent. Ainsi, l’âge des premiers rapports est variable en fonction des cultures. Plus tôt dans les pays non-occidentalisés ou créolisés, plus tard dans le reste du monde…Le « bon âge » est question de normes dans le pays et dans l’époque dans lesquels nous sommes. Mais, la science considère globalement que vers 15 ou 16 ans, l’on est psychiquement aptes à avoir ses premiers rapports sexuels. Après, c’est aussi une question de personne, tout le monde ne se sent pas prêt à cet âge. Pour l’ado qui a des rapports sexuels, il convient donc de ne pas nier l’évidence. Il est urgent d’en parler simplement et efficacement comme nous l’avons recommandé plus haut. Il ne s’agit pas d’avoir honte de ses enfants, car après tout l’enfant n’est que le produit de ses parents. Et concernant un gamin de 12 ans qui a des rapports sexuels, l’on conçoit tout de même aujourd’hui, qu’il y a eu « un loupé familial ».
Ainsi, que les parents ne culpabilisent par leur enfant ou ne l’y interdise pas. Il pourrait être tenté de franchir l’interdit ou le tabou par envie d’émancipation, mais sans réfléchir et donc en prenant des risques. Dans tous les cas, le parent doit rester ouvert d’esprit, rester disponible et accompagner son enfant dans son évolution de vie. En cas de difficultés, le recours au psychologue est nécessaire.
Essentielle :Pourquoi une maman est-elle bouleversée quand elle apprend que son enfant à des relations sexuelles?
David GOULOIS : Parce qu’elle vient de prendre un coup de vieux ! Mais surtout parce qu’elle n’était pas prête à ce que son enfant rentre dans l’univers des adultes. Et puis, certaines mamans ayant eu un enfant jeune (pour ne pas dire la majorité), avec le recul, souhaitent que leur enfant diffère le plus possible la première grossesse, pour permettre la poursuite des études. De plus, à notre époque, faire un enfant jeune est synonyme (et c’est souvent vrai)) d’arrêt des études, et donc de misères ou difficultés psycho-sociales par la suite. Ne pas oublier qu’en général, le parent place énormément d’ambitions dans sa progéniture, entendu qu’elle « réussisse » mieux que lui dans la vie.
Les mères ont donc peur. Mais en cas de conception, et près quelques temps suivant l’annonce de la grossesse les mamans devenues grands-mères, s’y font généralement très bien, et en terres créoles (disons en toutes terres « matriarcales », où la fonction maternelle prend le plus de place dans le foyer et dans la société), s’approprient même leur petit enfant, évinçant alors la maman du bambin dans ses fonctions, revivant ainsi une maternité par procuration.
Ceci dit, ce bouleversement concerne aussi les papas. Pour les mêmes raisons, mais aussi parce que certains pères, n’ayant pas dépassés le complexe d’Oedipe eux-mêmes, voient dans le prétendant de leur fille, le reflet de leur propre « appétit sexuel » et surtout, souhaitent rester l’ « amour » masculin unique et éternel de leur fille. Par contre, s’il c’est leur garçon qui aurait eux ses premiers rapports, le père (souvent machiste), souvent s’en enorgueillira. Un peu comme un trophée, une conquête par procuration.
Essentielle : Comment parler de consentement à son ado?
David GOULOIS : Il faut parler clairement du viol, de l’inceste, des abus. Bien expliquer que lorsque le partenaire dit ‘non’, se débat, ou pleur, que ce dernier ne prend aucun plaisir. Au contraire. De fait, il convient d’expliquer le risque pénal qu’encours le violeur. Ces agressions sont moins nombreuses (voire même très rare) dans les familles où l’on parle plus librement de ses émotions et de sexualité. Car la personne qui se sentira en danger dans son intégrité physique et psychique, s’aura comment s’opposer et alors ressentira moins de culpabilisation (comme c’est souvent le cas chez les victimes).
L’on doit parler de tout cela dès 5 ans, en disant que seuls papa, maman, les frères et sœurs, papy, mamy, les docteurs, ou les instituteurs, peuvent toucher les zones génitales mais seulement pour essuyer le pipi, le caca, faire la toilette, ou parce qu’il y a eu un bobo.
Par les autres personnes, « c’est non ». Et qu’un enfant n’a pas a toucher le sexe ou les fesses d’un autre enfant (à différencier du « jeu du docteur », où la curiosité est scientifique mais pas érotique ; et cela, l’enfant sait très bien en faire la différence : il ne sera pas envahit d’un sentiment de malaise) , ou d’un adulte. Bien faire comprendre que si cela arrive, il doit le dire à papa ou maman, sans craindre d’être puni.
Enfin, bien faire comprendre que la pornographie auquel il aura accès, n’est pas réalité des faits, et que ce qui se passe dans ces films, n’est réservée qu’aux couples ayant de l’expérience sexuelle et une grande complicité entre eux. A l’adolescence (surtout), le sexe doit s’accompagner essentiellement de tendresse ce qui n’est pas nécessairement le cas à l’âge adulte et absolument pas dans la pornographie.
Publié dans le magazine Essentielle, Océan Indien, Janvier 2017.
Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion
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