Ca y est, l’heure du grand départ sonne. Il prend son envol, sort du nid parental plus ou moins douillet, pour affronter le monde extérieur, la vie quoi…
On s’y était préparé, mais jamais assez. On savait bien entendu que ce jour arriverait, c’est dans l’ordre des choses, mais quelque part on n’avait pas vraiment réalisé…Et maintenant c’est là, sous les yeux.
Le départ des enfants vers leur indépendance est un événement, qui sera à mon sens gravé dans la tête de chaque parent.
Souvent les parents sont un peu confus dans leurs sentiments : une certaine excitation, une joie, mêlée d’angoisse, de tristesse…On est content pour le bambin (qui même parti du domicile, restera votre « bébé »), mais l’on a aussi, souvent, un pincement au cœur.
Logique, une vie commune d’au moins dix-huit années, cela ne s’oublie pas.
Dans cette maison, l’on avait partagé des habitudes, des rituels familiaux. Des moments de joie mais aussi des cris, des disputes…Bref, lorsque l’enfant était encore à la maison, il y avait une certaine vie.
Peut-être qu’il reste le benjamin de la famille, mais ce ne sera pas comme avant.
Pas la fin du monde :
Eh oui, le départ d’un enfant vers son indépendance, oblige le reste de la famille à faire une sorte de deuil du passé. Un deuil pour construire un présent et un futur..
Comme tout deuil, il convient donc de faire une petite cérémonie, un petit quelque chose : une fête, un repas de famille…C’est un moment important, alors il faut le « marquer ». Et accompagner à l’aéroport ? Oui, dans la mesure du possible. C’est un moment qui est important pour tout le monde, qui marque un temps de « rupture » validé par tous.
L’ile de La Réunion étant assez petite, pour des raisons diverses (quête de l’exotisme, départ pour les études, le travail…), l’enfant pourra être amené à faire le grand saut maritime.
Il est clair que maintenant (et déjà avant), la vie des jeunes ne se fait plus exclusivement « 974 ».
Les voyages forment la jeunesse, alors s’il doit partir pour découvrir le monde, qu’il le fasse ! Nous n’avons qu’une seule vie, alors autant qu’elle soit riche. Et la vie de votre enfant, n’est pas la vôtre.
Concernant la migration, pas d’angoisses ce n’est pas un calvaire. Oui, il n’aura plus le petit cari boucané de maman (que maman se rassure, elle pourra lui en envoyer grâce a un site internet spécialisé…) mais il découvrira autre chose.
Et puis les étudiants domiens (ce qu’on appelle maintenant les « créopolitains ») ont la chance de pouvoir revenir sur l’ile grâce à un dispositif régional prenant en charge les billets d’avion.
N’oublions pas que la diaspora réunionnaise est présente partout dans le monde (les réunionnais, sont un peu pareil que les bretons dirait-on) auquel cas il y a toujours possibilité de trouver un certain soutien. Même s’il est vrai que cette diaspora comparée aux autres domiens (je pense aux antillais) est moins visible : déjà « réunionnais lé plus métissé ». Si si, ça joue. Et en plus, les groupes de réunionnais sont moins « formalisés » que ceux d’autres régions domiennes, même si cela tend à changer ces dernières années.
La migration d’une façon générale, c’est d’avantage une peur du parent que du jeune lui-même. D’ailleurs, si les jeunes ne bougent pas malgré un taux de chômage régional le plus élevé de France, en dehors de l’aspect financier (et encore on pourra en rediscuter…), c’est bien parce que les parents leurs auront transmis leurs angoisses, leurs ,propres préjugés..
On connait tous, un « moun » qui aura vécu en métropole, et qui aura rapporté avoir eu une expérience assez moyenne…Ce n’est pas le cas de tout le monde (beaucoup de réunionnais se plaisent à l’ « étranger »), et le racisme n’est pas spécialité métropolitaine…Il est partout y compris ici. Remarque, il est toujours plus facile d’accuser les autres de son malheur, que de se remettre en question soi-même.
Bref, les gens bougent, le monde appartient à tout le monde, les gens se métissent. « Frontières n’a plu ».
Fini le « boug » qui, né dans une ville, trouvera du boulot dans cette même ville, séduira une tantine de son quartier, s’y mariera, y fera des enfants, y vieillira et y louera son caveau.
C’est certain, migrer c’est perdre ses repères culturels habituels, c’est certaines fois même, angoisser (« mais qu’est-ce que je fais ici » ? ).
Mais si d’autres on pu le faire, pourquoi pas vous, pourquoi pas lui ? Après on a bien le droit d’échouer, mais pas le droit de ne pas donner le meilleur de soi-même pour réussir.
A ce propos, la meilleur façon pour s’adapter dans une nouvelle région, ou un nouveau pays c’est l’enculturation…Je n’en connais pas de meilleur. Il ne s’agit pas d’oublier sa propre culture d’origine. Français d’origine polonaise mais né en Bretagne, « mi cose créol » (makote c’est vrai), mi mange « gros piment » et adore « bann musiciens mangeurs d’chouchou, Pat jaune »…
Il s’agira donc plutôt d’adopter cette philosophie: « Je prends de toi et je te donne de moi ». L’échange culturel, l’intérêt pour l’autre, pour l’altérité, reste donc le meilleur moyen pour se plaire sur la terre d’accueil. En sommes pour « bien migrer », il faut être curieux et un minimum respectueux de l’autre (cela n’empêche pas d’avoir l’esprit critique et arrêtons de voir le racisme partout).
Donc si j’ai pu le faire, avec certains de mes copains « zoreils et comores », votre marmaille le pourra aussi. Pas besoin de capacités surnaturelles pour cela.
Une ré-organisation à la maison :
Quoi qu’il en soit, la famille restante au pays, devra se ré-organiser.
C’est le moment de mettre en place des choses impossibles avant. Le cadet veut la chambre de l’ainé ? Qu’il la prenne ! Pas la peine d’entretenir cette chambre comme une chapelle avec saintes reliques ! Ou alors faites en une chambre d’amis.
Un enfant qui prend son indépendance c’est plus de liberté à la maison. Alors profitez de ce temps alloué. Bien entendu il est classique que même si votre enfant ait pris son particulier et que par ailleurs il soit encore dans l’île, qu’il vous apporte son linge à laver…
S’il n’y a pas de « lavomatique » à disposition pourquoi pas, mais si un enfant s’en va, ce n’est pas pour conserver les bénéfices qu’il avait lorsqu’il était au domicile parental.
Tout au plus vous pouvez lui donner un coup de main de temps à autres (surtout dans les premiers mois, particulièrement pour les démarches administratives : il va enfin connaître la « qualité » des administrations locales : contre-information, pertes de documents, lenteur, oublis divers et variés…), mais il doit vraiment apprendre à se débrouiller. En métropole, les association d’étudiants, le CROUS, l’ADOM, pourront aider dans la méandre bureaucratique.
Remarque, si avant d’aller en métropole pour de bon, l’on peut y aller déjà au moins une fois en vacances et en profiter pour faire un repérage, c’est encore mieux.
Pour revenir à l’aide à fournir au jeune, pas question non plus de lui payer son panier de course à chaque fois. Sauf si vraiment il peine financièrement, auquel cas, des aides existent tout de même. Au jeune aussi de ne pas oublier que la vie étudiante (ou de jeune débutant dans la vie), n’est pas « la vie de château », alors « molo » sur les dépenses superflues. Même si se faire plaisir de temps en temps n’est pas interdit.
Pas question non-plus qu’il vienne squatter la maison quand bon lui chante. Encore une fois, la maison familiale n’est pas un hôtel. On prend son indépendance ou on ne la prend pas.
Une nouvelle vie de couple ?
Les parents auront tout intérêt s’il n’y a plus d’enfants à la maison, à prendre soins de leur couple…Souvent lorsque les enfants ont quittés le domicile, des couples se déchirent. Pourquoi ? Parce que les enfants, du fait de leur présence, « occupaient » les parents. Ainsi beaucoup ont vécus pour leurs enfants, en négligeant le couple.
Et au moment du départ, papa et maman, ne se reconnaissent plus. Parce que finalement, ils n’auront pas pris le temps de se connaître.
C’est à ce moment là, qu’il convient dans le couple d’être créatif : voyages, sorties diverses, activités communes mais aussi individuelles…Bref, il faut apporter du piment dans sa vie individuelle et conjugale (toute la vie cela dit). Y compris, intime…
Alors, que le couple sans enfants, joue aux enfants (il n’est pas trop tard pour se rattraper)!
Article parue dans le magazine « Belle », supplément du journal « le Quotidien », Ile de la Réunion.
Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion
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