Il fallait s’y attendre, cela arriverait bien un jour ! Mais y est-on vraiment préparé ? Pas si sur.
En effet, le temps passe vite, très vite. Le jour de la naissance du marmaille, on s’en rappelle comme si c’était hier. Cela nous parait si loin, mais en même temps si proche. Pourtant il va bien falloir que l’enfant fasse sa vie. Pour certains parents c’est un peu plus dur : en effet, certains ne vivent presque que pour leur enfant ; ainsi la vie de couple est mise de côté, ou au mieux passe tout le temps en second. C’est un danger pour le couple, car finalement, l’enfant faisait un peu tampon entre vous et le conjoint, et du coup le couple s’en retrouve un peu comme deux inconnus, qui finalement ne se connaissant que peu, tellement occupés au marmaille plutôt que de penser à l’être aimé. Pour d’autres parents encore, la peur qu’il arrive quelque chose, expriment une certaine angoisse de mort, certaine fois contagieuse à l’enfant au point que ce dernier se mette en échec ou même ne tente pas l’aventure. Le manque de confiance de certains enfants vient des fois de parents angoissés. Après il y a les autres, ces parents qui arrivent à supporter la séparation, en ce disant qu’avec internet et l’avion, on a vite fait de se retrouver.
Car il est bien connu, qu’au final « on ne fait pas les enfants pour soi, mais pour eux-mêmes ».
C’est vrai, tout en étant un peu faut, car comme Freud disait, « c’est à travers le narcissisme de l’enfant que renaît celui de son parent » ; quand il a 20 en maths c’est un peu vous qui avez 20 en maths. L’enfant est bien un prolongement de nous même, dixit le terme « rejeton ».
Quoi qu’il en soit, lorsque l’enfant s’en va, c’est un deuil qui s’opère tant chez le parent que chez l’enfant.
Chacun doit faire le deuil d’une relation, voire d’une vie idéale (on n’imaginait par forcément aux 8 ans de l’enfant que ce dernier ferait sa vie en métropole, où qu’il partirait faire sa vie à l’étranger avec son américaine de femme)…
D’autant que la vie actuelle amène à quitter de plus en plus ses terres d’origines, et même de déménager plusieurs fois dans sa vie. Autant dire que tout le monde à intérêt à être souple psychologiquement et adaptatif.
Finit le temps où l’on naissait, grandissait, faisait ses études, rencontrait quelqu’un, se mariait, travaillait et mourait à La Réunion. Maintenant nous sommes des « globe-trotters ». Et y a intérêt ! Sinon l’on reste sur le carreaux, tant il vrai que le marché du travail n’est plus ce qu’il était.
Ainsi, qu’on se le dise, un départ c’est souvent pour des raisons économiques (la migration n’est pas forcément par choix), mais c’est aussi parfois pour des raisons exotiques, d’intérêt pour de nouveaux mondes. Des fois, l’on s’en va aussi, pour fuir ses propres parents, trop étouffants. Cela ne veut pas dire qu’on ne les aiment pas, mais simplement qu’on a besoin de vivre ses propres expériences, seul, pour se construire.
Alors en tant que parent, après et avant le départ, il conviendra de ne pas étouffer son enfant, ni d’avoir une attitude culpabilisante. Après tout si vous souffrez trop de son départ, c’est que vous avez bien un problème (si si…). L’angoisse d’abandon cela se traite ! Pas la peine non plus une fois là-bas d’appeler tous les jours ; on voit mal comment l’enfant pourra s’autonomiser et grandir. Il doit se reconstruire de nouveau repères, prendre de sa culture d’accueil pour s’intégrer, c’est-à-dire s’enculturer (et non s’acculturer qui revient à changer de culture pour un autre) afin de composer avec sa culture d’origine. Il n’est pas question d’oublier d’où l’on vient, mais il n’est pas question d’essayer de trouver exactement à l’identique sa culture d’origine dans sa culture d’accueil, sinon c’est aller dans le mur. Des parents trop présents même à distance, empêchent cette intégration créant la mélancolie.
Je ne parle pas de la nostalgie que tout migrant connait plus ou moins un jour ou l’autre, car celle-ci est passagère, et se résolve par un voyage de temps à autre, ou un colis de temps en temps…
La mélancolie s’installe et persiste, comme un vague à l’âme qui fait glisser vers la dépression. Chez l’enfant, la meilleure façon de prévenir les peurs au départ, c’est déjà de lui en parler le plus tôt possible. Un enfant qui sait qu’il ne restera pas forcément près de ses parents, peut davantage préparer ses défenses psychiques pour lutter contre l’anxiété. C’est aussi de voyager le plus possible. Si vous n’avez pas peur des autres, des différentes cultures, l’enfant par identification non plus. Soyez curieux du monde et vous ferez de l’enfant un être adaptatif et par définition intelligent. Enfin pour donner confiance à un enfant, c’est aussi lui dire qu’on l’aime (et pourquoi on l’aime ; qu’elle est sa valeur ajoutée par rapport à son frère, ses spécificités…Ce n’est pas faire comparaison que de donner des raisons), petit et grand !
C’est des fois, faire le deuil de la relation qu’on avait idéalisée avec ses petits-enfants si ces derniers sont en âge de suivre encore leurs parents. La encore la technologie est d’un grand secours. Dans ce cas, il est encore plus important d’avoir de bonnes relations avec ses enfants, mais surtout ses beaux-enfants !
Quoi qu’il en soit la distance n’empêche pas nécessairement de créer des liens et de les faire perdurer. « Loin des yeux, loin du cœur, ce n’est pas systématique ». C’est à chacun de respecter le choix de l’autre, car à vouloir pour l’autre ce que l’on veut pour soi-même, c’est des fois rendre malheureux celui qu’on aime.
Article publié dans le journal le « Quotidien », Ile de la Réunion, rubrique « Psychologie ».
Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion
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