C’est d’actualité, le gouvernement en a même décidé d’en faire une table ronde avec les spécialistes de la question (enseignants, psychologues, psychiatres…) : la violence à l’école interroge.
Cela ne date pas d’aujourd’hui.
Disons que la société avait banalisé le sujet depuis un petit moment, avec tout de même il faut le reconnaitre, un sursaut d’intérêt il y a quelque temps avec l’arrivée du jeu du foulard et le renouveau du racket.
Les enfants entre eux ont toujours été méchants. Cruels les minauds., sadiques les « ptits anges »…
Alors la vérité sort-elle de la bouche des enfants ? Au-delà du fait que les marmailles ne font que dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas (oui, l’hypocrisie est une spécialité d’adultes, la diplomatie n’étant qu’une hypocrisie socialement acceptable), ils ont tendances à exprimer leur pulsions sadiques sur un camarade, presque pris au hasard…La cible en question n’a pas vraiment de défaut ? Qu’importe « l’on va lui en trouver un », pourraient dire les bambins.
Ils auront tendance à choisir comme cible une gamin plus ou moins différent (port de lunettes, acné, grosse poitrine, cheveux roux, grande taille, maigreur, obésité…) qui aura une certaine difficulté à vivre cette différence.
Eh oui les gamins sentent très bien lorsqu’un des leurs va moins bien que les autres…Ils ont ce 6ème sens (rien à voir avec le film de Bruce Willis) que nous aurions perdu, nous adultes.
Et ils vont s’y acharner, progressivement, à l’usure. De ce fait le gamin visé, s’il vivait plus ou moins bien sa différence, va la vivre maintenant très mal.
L’enfance, en particulier l’adolescence sera ainsi la période où se développe les fameux complexes physiques ou autres.
D’autant qu’a l’adolescence, le physique est d’une importance capitale.
Ainsi le gamin victime sera dans une si grande souffrance qui trainera toute sa vie cet épisode douloureux de son existence. C’est claire, cela va le marquer. D’autant que généralement l’acharnement des camarades dure plusieurs années, l’enfant faisant la plupart du temps toute sa scolarité primaire ou collégienne dans le même établissement.
Ces railleries vont radicalement s’estomper au lycée. A l’université il n’y en aura plus du tout.
Donc le gamin qui souffre, sera potentiellement victime de symptômes dépressifs (perte ou prise rapide de poids, troubles du sommeils, manque d’énergie, idées noires, dévalorisation….) et les résultats scolaires risques de chuter. Sans compter des troubles du comportements (l’enfant fait le con pour être positivement intéressant pour ses bourreaux, pour attirer l’attention sur sa souffrance…).
Etre un bouc émissaire est terriblement douloureux. L’on pourrait croire que l’enfant exagère, pas du tout. Souvent il minimise les faits. Aller voir l’instituteur, le professeur principal, le conseiller d’éducation ? L’instit pour le primaire, oui. Les petits culpabilisent encore suffisamment pour changer leurs comportements. Donc cela aura un impact. Mais au collège, les interventions en plein cours pour faire la morale aux gamins agresseurs sont à double tranchant…La victime va se faire traiter de balance et cela risque d’être encore pire.
Je pense qu’une intervention très (trop) solennelle du « prof princ » ou du CPE ne sont pas les meilleurs solutions…Ce ne veux pas dire qu’il ne faut en parler à ces professionnels. Mais il faudra que le corps enseignant et les surveillants, subtilement, en étant au courant, puissent remettre à leur place les agresseurs.
C’est à eux de faire la loi dans leur cours ou dans la cour.
L’intervention, « comme si de rien n’était », dans les classes d’un intervenant extérieur sur cette problématique (sans que personne ne soit visé : agresseurs comme victime) peut être très efficace. Qu’on nous disent pas qu’ils n’y a pas de budget, tout est une question de priorité.
Par ailleurs, ces interventions ont une réelle action de prévention sur la question.
Alors pourquoi la jouer fine lorsqu’on est parent ou enseignant ? Parce que rappelez-vous qu’au collège, c’est une vrai « guérilla psychologique-mafieuse qui s’y déroule ». Que les parents et enseignants cessent d’être aveugles !
Souvent à coups de sermons publiques en mettant les victimes en premières lignes, les adultes pensent qu’ils vont faire changer la mentalité des jeunes. Il suffirait de prôner l’amour de son prochain et la tolérance pour que comme par magie, le bourreau fiche la paie à sa victime…
Un absolu n’importe quoi !
Ils pensent sans doute que les petits sanigauds s’en prennent à leur victimes devant eux (les profs), sans faire attention autour et d’une façon très naïves tant qu’a faire…
Ah l’on peut dire que les gamins sont plus fins que certains adultes (c’est d’ailleurs inquiétant).
C’est certain, le gamin va encaisser et s’il bénéficie d’un fort soutient familial, et pourquoi pas de l’aide d’un psychologue, il pourra « tenir » (parce qu’il ne s’agit pas de faire autre chose). Il pourra devenir psychologiquement fort et construire, par la force des choses, des défenses psychiques redoutables.
Après ce qu’il en fera c’est une autre affaire : il pourra être très compréhensif de ses semblables (et se tournera volontiers vers les métiers de l’aide à la personne), il pourra à son tour devenir bourreau, ou encore devenir tellement inhibé qu’il manquera de confiance à lui à l’âge adulte…D’autres devenirs sont possibles, mais ceux-ci sont les plus courants.
D’où l’intérêt d’un suivi et d’un accompagnement psychologique. Et d’un prise en compte réelle du corps enseignant et surveillant.
Il faudra faire verbaliser l’enfant sur ses émotions, sur ce qu’il a subi. S’il le veut ! S’il a des copains, peut-être en parler avec eux. L’on pensera à le déculpabiliser et à le valoriser. Si l’enfant a des activités extrascolaires c’est tant mieux, cela lui offrira d’autres sources amicales et sociales.
Si les recommandations citées plus haut ne suffisent pas, il faut changer d’établissement.
Cette solution extrême et qui déplait certaines fois aux adultes (c’est plus facile de dire que « cela va passer » qu’en l’on est pas concerné par le harcèlement) est à choisir en dernier recours.
Mais en changeant d’établissement, souvent le jeune fait « peau neuve » et sa « réputation » redevient « vierge ».
Pas de honte à fuir ses bourreaux : il n’est vraiment pas simple de s’en sortir, seul contre tous.
Alors la fierté (surtout celle des parents et enseignants), des fois, faut savoir la mettre de côté.
La vie est courte, elle ne doit pas être gâchée par ce genre d’événement.
Article publié dans le magazine « Belle », supplément du « Quotidien », Ile de la Réunion.
Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion
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