Quand le deuxième enfant arrive: relations dans la fratrie.

Quand le deuxième enfant arrive: relations dans la fratrie.

Les relations entre frères et sœurs ne sont pas toujours très simples. Souvent remplies d’amour et le sont aussi de haine. Petit tour d’horizon des relations « frangin-frangine » à la maison.

Préparer l’arrivée d’un nouveau dans la famille :

Très classiquement, l’ainé de la famille vivra pendant un certain temps, quelques années, sans autre « concurrent » pour l’amour de ses parents.

Car dans la relation fraternelle, il s’agit bien de concurrence.

Pendant des années, l’ainé s’est senti « unique » et n’avait bien souvent, jamais envisagé que cette situation allait changée.

Mais un jour, arrive le « nouveau », celui qui va tout faire basculer.

Du jour au lendemain, l’ainé n’est plus le centre d’attention du couple parental, des grands-parents, du reste de la famille. L’ « intrus » est directement associé à ce chagrin.

Il peut s’en suivre une sorte de régression de l’ainé, un comportement « bébé ».

Ainsi un enfant de 5 ans, propre et autonome, se remets du jour au lendemain à faire pipi au lit, à réclamer un biberon, son doudou, à refaire des caprices qu’il ne faisait plus…

Les plus petits, eux, vont plutôt avoir un comportement plus « physique » : tirer les cheveux par exemple.

Les grands, au-delà du psychosomatique (le corps traduit la souffrance de l’esprit en produisant des symptômes physiques), l’exprimeront d’avantage par le verbal.

L’ainé risque aussi de rejeter tout ce qui peut provenir du benjamin : demandes de câlins, d’instants jeux…Ce dernier ne risque pas de comprendre et n’aura pas envie à son tour de s’investir dans l’autre enfant émotionnellement (lui donner de l’amour et en recevoir) et identitairement (le copier).

Pour éviter ce genre de problèmes, voici quelques idées :

  • Parler de l’arrivée de ce nouvel être à l’ainé et ce, dès la grossesse.
  • Impliquer l’ainé dans l’accueil de ce nouvel arrivant : l’impliquer dans le choix de la tapisserie, de la décoration de la chambre du benjamin, dans le choix des jouets…
  • Le responsabiliser : souvent l’ainé se sent valorisé quand l’on n’oublie pas que lui, était là avant et que par conséquent il sait des choses que le benjamin ne sait pas. Il faut l’encourager à avoir un rôle de « tuteur » vis-à-vis du plus jeune, sans pour autant lui demander de remplacer l’adulte : pas question que l’ainé remplace systématiquement les parents pour le bain du plus petit, par exemple. Il aura l’impression d’une injustice et verra cela comme une corvée. Et il aura vite fait d’associer que petit frère/sœur = corvée = déplaisir.
  • Le rassurer : lui faire comprendre qu’il bénéficiera toujours autant de l’amour de ses parents et ce, même s’il a un an. Un enfant ne comprend pas forcément tous les mots, mais est capable de comprendre ce qu’on lui dit grâce à l’intonation, les sourires, la façon dont on le prend dans les bras dans le contexte où il se trouve.
  • Mais ne pas lui mentir : « la venue de ton petit frère ou sœur va changer beaucoup de choses, tu sais ». Oui, car il faudra qu’il ne laisse plus trainer ses petits jouets sur le sol, il faudra moins faire de bruits la journée car bébé dormira…
  • Lui faire comprendre qu’ils sont « égaux » mais différents : deux enfants ont forcément deux fonctionnements différents. Des similitudes de comportements, d’attitudes, de postures, mais de grandes différences de caractères vont subsister. C’est normal, d’autant que le jeune va s’identifier à l’ainé comme modèle et en même temps le rejeter pour marquer sa différence. Par ailleurs, chacun ne sait pas faire la même chose : l’un c’est la poterie, l’autre le hand-ball. Chacun sa spécialité dans la famille. Il faut éviter autant que faire se peut, des comparatifs. Eviter, car l’on en fait toujours malgré nous.
  • Ne jamais prendre à la légère, la jalousie de l’ainé : il faut bien comprendre que s’il n’est pas préparé ou s’il ne l’accepte pas, c’est presque l’univers entier de ses repères qui s’effondre.  A noter que ce sentiment de jalousie peut se manifester à tout âge (même si l’aîné est adulte).

La question des grands écarts d’âge entre frère et sœurs :

Quand le deuxième enfant arrive: relations dans la fratrie. 1

Passé 5 ans d’écart entre deux membres de la même fratrie, cela commence à faire beaucoup. Cependant il n’y a pas vraiment de consensus sur un écart d’âge idéal, même si l’on serait tenté de penser que plus l’écart d’âge est grand, moins il y a d’affinités qui se créées.

Ce n’est pas si systématique que ça. Les grands écarts d’âge n’empêche pas la complicité !

En fait ce qui va vraiment peser dans la balance ce sera la façon dont les parents vont investir (donner et recevoir) leurs enfants.

Cependant, si malgré tout, petits et grands ne sont pas sur la même longueur d’onde, pas la peine de forcer les choses. Cela peut se développer plus tard, à l’âge adulte, quand le petit aura gagné en maturité et quand le grand s’assouplira.

C’est souvent le problème : le petit veut jouer au grand. Il prend les affaires de l’ainé, copie les expressions, les attitudes, les comportements. C’est tout à fait normal, le petit s’identifie à ce grand frère ou grande sœur, quelque part père et mère de substitution.

Mais cela peut énerver sérieusement l’ainé qui peut se voir bousculer dans son territoire et avoir des mots ou des gestes très durs envers le petit.

Il convient alors pour le parent de « recadrer »  l’un et l’autre. Que chacun respecte les affaires de l’autre.

Et si l’ainé se plaint que le petit s’est servi de ses affaires sans avoir son autorisation, avertissez le petit et sanctionnez.

L’équité entre enfants doit, dans la mesure du possible, régner à la maison et c’est en adoptant ce mode de fonctionnement qu’on favorise la paix.

Il y a d’autres situations, où le grand prend sous son aile le benjamin : c’est souvent le cas lorsque les épreuves ont rapproché dans la souffrance les membres de la famille et donc la fratrie. Ce fonctionnement se présente aisément lorsque l’un des parents n’est plus présent (décès, séparation conjugale…).

Il ne s’agira pas pour autant que le petit ne s’investisse que dans l’ainé et que ce dernier se substitut totalement aux parents.

Donner ses jouets, ses habits :

Il ne faut pas obliger à donner ses jouets. Parce qu’un jouet ce n’est pas rien : un jouet est chargé d’émotions…C’est avec lui qu’on a fait la bagarre du siècle, qu’on a réalisé nos plus beaux accidents de voiture, avec lui qu’on s’est imaginé être LA princesse…Les moments de jeux et les objets qu’on utilise pour cela, sont très importants. De toute façon c’est bien simple, quand un enfant joue, impossible de le faire décrocher : il est très occupé et très appliqué. Jouer c’est du sérieux !

Et puis donner ses jouets, c’est accepter que les objets avec lesquels on a passé les meilleurs moments, risquent de tomber en miettes dans les mains du nouveau venu.

Par ailleurs, certains grands souhaitent conserver un jouet de leur enfance.

Se balader avec un tee-shirt Spiderman quand on est une fille de 6 ans, ça va…

Mais à l’adolescence, il faudra que les parents changent de façon de faire : à cet âge on aime exprimer ses goûts, ses envies et encore plus avoir ses choses à soi. Et puis porter les fringues d’un mec…Même pour dormir, il y a mieux. L’habit est une sorte de seconde peau.

Ainsi, le don d’habits entre frères et sœurs, si on le peut, ne doit pas être systématique. A la maison, entre membres de la fratrie on vit dans une certaine promiscuité, alors ce n’est pas pour les avoir encore «  sur le dos » toute la journée !

C’est pas juste :              

La notion d’équité est relative dans la fratrie. Car si l’un trouve la situation juste, l’autre risque fort de la trouver injuste. C’est notamment le cas lorsque l’on permet à l’un des enfants, plus grand que les autres, de rentrer plus tard le soir.

Les enfants, en particulier adolescents, ont des difficultés à percevoir les autorisations ou au contraire les sanctions comme « justes », puisqu’elles viennent d’une autorité : l’adulte.

Ainsi, ce qu’a acquis l’un des enfants, l’autre tentera de l’avoir. L’autre exigera, râlera, tentera tout type de négociation ou coup d’éclat. Il s’agit pour le parent qui a accordé un avantage à l’un, de justifier solidement à l’autre, le pourquoi de cette autorisation.

Si l’enfant comprend, tant mieux. Sinon il le comprendra plus tard. Il ne sert à rien de passer des heures à faire comprendre à un ado que l’ainé a un avantage lié à son âge plus avancé.

S’il ne veut rien entendre, c’est que pour l’instant, l’ado qui se sent « lésé » est dans la passion, dans l’affectif.

Pour lui le parent l’a trahis (momentanément cependant) en réjouissant l’autre.

Le cerveau n’est alors pas suffisamment « mature » pour tout comprendre.

Il y un âge pour chaque chose. Et il ne faut oublier qu’un ado est particulièrement ambivalent dans ses émotions (amour et haine en même temps) qu’il peine à contrôler.

De toute façon dans une fratrie il y en a toujours un qui à un moment donné, se sent désavantagé vis-à-vis de l’autre. En tant que parent, il est inutile de se culpabiliser, mais il convient tout de même de se poser question.

Et toujours initier le dialogue. Si cela dégénère, laissez la tension retomber. La reprise du dialogue se fera plus tard. Cela n’empêche pas de réfléchir si l’on a bien agit. Il ne s’agit pas pour un parent d’être rigide, car l’on peut plier l’échine sans rompre forcément !

Un bon moyen pour restaurer le sentiment d’égalité dans la fratrie est de provoquer plus tard , une situation qui permet à l’enfant qui se sent « perdant » de se sentir à nouveau investit d’un certain pouvoir de décision, d’autonomie. Cela peut-être le choix du repas du soir, de la sortie du week-end, du film à regarder…

C’est aussi pour cela qu’il est intéressant pour chaque parent de passer des moments privilégiés avec l’un et l’autre enfant. Mais aussi de passer des moments de groupe, tous ensemble. Une sortie au resto, un jeux de société, un pique nique en famille ? Rien de mieux pour consolider le « clan familial ».

L’important dans une famille, c’est que chacun y retrouve plus ou moins son compte.

Mais l’égalité dans une famille a ses limites : un fils ne sera jamais l’égal de son père. Idem pour une fille. Chacun sa place.

Enfin, on a le droit de ne pas être d’accord, de ne pas avoir envie des mêmes choses au même moment. Mais en dernier recours, ce sont toujours les parents qui doivent avoir le dernier mot; sans, dans la mesure du possible, se contredire devant les enfants.

L’éducation des enfants et plus encore d’une fratrie, c’est avant tout, un job d’équipe.

Pour aller plus loin :

  • Dumonteil-Kreimer Catherine, Relations frères-soeurs: du conflit à la rencontre, Poche, Jouvences, 158 pages. Environ 5 euros.
  • Rufo Marcel et al, Frères et sœurs : une maladie d’amour, Poche, LGF, 283 pages. Environ 7 euros.

Article parue dans le magazine « Belle », supplément du journal « le Quotidien », Ile de la Réunion.

Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion

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