Les fugues chez l’adolescent

Les fugues chez l’adolescent

 Quand l’ado claque la porte, que ce soit pour une heure ou une semaine, il ne faut pas négliger ce passage à l’acte, signe d’une souffrance profonde. « Il veut se rendre intéressant ». Oui. Il veut que vous vous intéressiez à lui, à sa souffrance.

Si la fugue n’est pas systématique chez l’adolescent, elle n’est pas pour autant si rare que ça. Ce problème concerne plus souvent les filles que les garçons.

Dans environ 80% des cas, le fugueur réintègre le domicile dans les 48h.

Toutefois, cette crise est l’occasion d’aborder la souffrance que souvent le jeune cache en lui. Souffrance qui peut amener s’il elle n’est pas considérée à juste titre, vers des passages à l’acte plus importants et plus dangereux.

Pourquoi ?

Des problèmes à la maison, des problèmes familiaux. Mais aussi à l’école, ou encore l’amour.

Il s’agit pour l’adolescent de protester, à sa façon, d’une situation qui lui est insupportable.

La fugue, comme la tentative de suicide, est un véritable appel au secours qu’il ne faut pas prendre à la légère. Elle est pratiquement toujours réalisée sur un coup de tête. Dans ce cas, il décidera d’errer dans les rues ou d’aller chez des amis.

D’autre fois, ce sera plutôt une fugue réfléchie, après avoir vider sa garde-robe.

Su ce point, il y a par ailleurs, un phénomène de plus en plus courant : certaines jeunes filles vont retrouver au bout du pays, des jeunes hommes, ou des hommes plus mûrs, rencontrés sur internet.

Internet  reste un formidable outil de communication. Mais, au risque de me répéter dans chaque article, mieux vaut prévenir que guérir. C’est à l’adulte de s’intéresser à ce que s’intéresse l’ado. Et l’adulte doit pouvoir communiquer sur tous les sujets.

Justement, comme dans beaucoup de passage à l’acte chez le jeune, s’il y a fugue, c’est qu’il y a bien souvent un problème de communication à la maison.

Et le souci, c’est que la fugue, signal d’alarme dans un premier temps, peut devenir un sacré piège. L’ado pourrait avoir des difficultés à rentrer de peur d’affronter les regards, les paroles de ses parents, des proches, à son retour…C’est un peu le chien qui se mord la queue.

L’objectif pour l’adolescent qui fugue est, en plus d’« essayer » de prendre le large avec ses problèmes (essaie raté, car il « traîne » ses problèmes avec lui ), d’inquiéter, ses parents, son entourage. Il veut faire souffrir comme lui souffre, qu’enfin, l’on s’intéresse à lui. Par cet acte, il s’agit bien de « marquer le coup ».

Il faut bien se rendre compte que l’ado souffre réellement en fuguant.

Il pourra fantasmer que ses parents sont à sa recherche, fantasmera de belles retrouvailles.

Mais à l’inverse quand les relations seront extrêmement mauvaises, il y absence de ce genre de fantasmes. Et c’est aussi dans ce cas de figure, qu’on constate que le fugueur était réellement déterminé.

Que faire en cas de fugue ?

  • Avant de prévenir les services de polices, s’assurer qu’il ne serait pas chez la famille, chez un ami a lui, ou a vous. Si cela se passe en pleine nuit, téléphonez, quitte à réveiller vos interlocuteurs. C’est de votre gosse qu’il s’agit.
  • Pour savoir s’il s’agit d’une fugue préparée, ce qui aidera les services de police dans la recherche, vérifiez la chambre : affaires prises, vêtements manquant, valise absente ?
  • Si fugue il y a, prévenir la police ou la gendarmerie. Si vous êtes seul, restez à votre domicile au cas où le jeune reviendrait de lui-même. C’est important, car s’il revient et que vous n’êtes pas là, il pourrait se faire des idées. D’autant que lorsqu’il sera là, il se sentira « mal ». Si vous êtes à deux, pourquoi ne pas organiser des recherches, sans pour autant vous mettre en danger (conduire vite ne sert à rien ; et ce n’est pas parce qu’il fugue qu’il va faire une bêtise, comme une tentative de suicide).
  • Se rendre sur les lieux qu’il a l’habitude de fréquenter. En pleine nuit, ce n’est pas si simple ; encore une fois, ne pas se mettre en danger. Mobilisez toutes vos relations : les vôtres, les siennes. On aura ainsi plus de chance de le retrouver rapidement.
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Les jeunes adultes fugueurs : ce que dit la loi.

C’est à la brigade des mineurs de rechercher et de retrouver les fugueurs de moins de 18 ans.

En fonction de la situation familiale, le jeune sera soit ramené chez ses parents, son tuteur légal, soit placé en famille d’accueil, en foyer éducatif (en cas de maltraitance par exemple).

Le tuteur légal est dans l’obligation de signaler à la police la disparition d’un mineur, car sur la voie publique, le tuteur est responsable des faits et gestes du jeune.

Rappelons enfin qu’il est interdit d’héberger chez soi un mineur en fugue, à moins d’avoir prévenu la police rapidement. Celle-ci viendra chercher à votre domicile le jeune.

Accueillir le fugueur :

Quand un jeune « passe à l’acte », et la fugue en est un exemple, c’est tout l’entourage qui s’en retrouve impliqué : famille, amis, voisins…

Cependant au retour du jeune, il convient d’observer quelques recommandations :

  • Ne pas s’emporter : accueillir l’enfant avec une claque, des cris, est le meilleur moyen pour qu’il recommence ou qu’il fasse pire (tentative de suicide, comportements auto-destructeurs : alcool, drogue, conduite routière risquée…).
  • Ne pas le culpabiliser : il faut accueillir le jeune sans le culpabiliser. Il ne faut pas lui donner le sentiment qu’il n’est pas compris ou reste incompris. Il faut l’inviter à  parler, à se livrer et si possible dès son retour et dans le calme. Cela permet d’apaiser les tensions de chacun et d’aller à l’encontre des idées que chacun se fait dans son coin. Lui demander le pourquoi de son acte. Si toute la situation n’a pas été éclaircie, en reparler le lendemain si nécessaire. Il ne s’agit pas de « remuer le couteau dans la plaie », mais bien d’évacuer « le pu », la souffrance. Et en tant que parent, il convient lorsque la raison exposée par le jeune vous dépasse, de demander de l’aide à un professionnel.
  • Exprimer ses émotions : lui montrer que vous n’êtes pas indifférent, mais ne pas non plus en faire le « drame du siècle ». Il faut verbaliser les émotions de chacun : « je suis triste ; j’ai eu peur ». Souvent la colère des parents exprime la peur qu’ils ont eu. A l’inverse, des parents qui n’expriment aucunes émotions, est franchement préoccupant. Cela démontre, l’indifférence tant redoutée de l’enfant. Lui faire comprendre qu’on à besoin de lui dans la famille, qu’on l’aime. Mais lui montrer qu’on sait bien qu’il nous aime même si pour l’instant il a la « haine ». Lui montrer que sa vie, est liée à la notre et inversement. Et qu’il est maintenant, le moment de discuter.
  • Ne pas être défaitiste : en cas de fugues à répétition, il faut vraiment consulter. Ne baissez pas les bras. Mais n’oubliez pas qu’un enfant qui n’a pas un comportement « sein », c’est aussi en partie la responsabilité de l’adulte. Pas seulement bien entendu, car un parent parfait n’existe pas, l’enfant à sa part de responsabilité dans ses actes, dans son devenir. Il ne faut surtout pas l’oublier. Il n’empêche que le parent ne doit pas se déresponsabiliser. Consulter un spécialiste reste toujours, une bonne solution pour y voir plus clair.
  • Résister au chantage : lui montrer que son acte vous a affecté, mais que la vie continue tout de même : il ne faudrait pas rentrer dans une sorte de jeu de la provocation. Il ne faut pas céder à toutes les exigences de l’ado. Ne promettre les changements désirés par le jeune que s’ils sont franchement réalisables. Reconnaître qu’on a peut-être sa part de responsabilité dans la souffrance de l’autre, ne veut pas dire qu’il faille s’autodétruire soi-même. Par ailleurs, l’ados en souffrance, en perte de repères, a besoin d’adulte(s) stables autour de lui. Encore une fois si vous vous sentez dépassé, dans le doute, consultez.

Pour aller plus loin :

  • Rufot Marcel ; Schilte Christine, « Votre ado », Poche, 2007, 509 pages, environ 8 euros.
  • Dolto Françoise, « La cause des adolescents », Pocket, 381 pages, environ 6 euros.

 Article publié dans le magazine « Belle », supplément du « Quotidien », Ile de la Réunion.

Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion

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