Les addictions chez nos ados

Les addictions chez nos ados

L’addiction est l’utilisation d’un objet, d’un produit, la réalisation d’un acte, dont on ne peut se passer sous peine de mal-être mental ou physique.

Partant de ce principe, le problème des addictions couvre un large domaine.

Chez l’adolescent, il concerne aussi bien les drogues (cocaïne, cannabis, extasie…), le tabac, mais aussi le domaine du jeu (jeux en réseau sur internet, éventuellement jeux d’argent…), la télévision, le téléphone portable (les texto, collection de sonnerie…), le sexe (rapport avec partenaire ou la masturbation excessive), le café, les médicaments, le surentraînement sportif, et enfin le travail (surinvestissement scolaire) et l’achat compulsif (ne pas s’empêcher d’acheter).

Parce que les addictions détruisent la vie d’une personne, mais aussi l’entourage, il convient de prendre le temps de parler de ce problème qui s’annonce être l’un des fléaux du siècle.

Retour sur l’adolescence : si l’adolescence est la période des excès, cela ne veut pas dire qu’un ado qui boit de l’alcool, ou fume un joint, va mal.

Rappelons que l’ado (jusqu’à 18 ans) et le jeune adulte (de 18 ans à 21-22 ans), sont partagés dans un paradoxe qui se situe entre le désir d’être grand et reconnu comme tel, et le besoin d’être considéré comme un enfant et donc dépendant de ses parents (affectivement notamment).

Mais si les comportements excessifs sont l’apanage des jeunes, ce qui pause problème c’est la consommation en excès qui va être « à risques ». Et ce n’est pas tant le produit ou l’objet utilisé qui va poser problème. C’est bien plus profond que cela.

Celui qui se « noie » dans l’alcool, dans les jeux vidéo, le cannabis, au lieu d’investir dans sa famille, de s’insérer socialement, scolairement, professionnellement, celui là, a un problème.

L’addiction un mal sournois :

Quelle qu’elle soit, l’addiction vient remplacer, combler le manque de quelque chose.

Cette chose, c’est l’amour de Soi.

S’aimer n’est pas si simple que ça : pour s’aimer, il faut que nous collions au plus près à un idéal. Cet idéal c’est ce que nous pensons que nos parents attendent de nous. C’est ce que dans notre tête, nous sommes convaincus qu’il faut que nous soyons comme type de personne avec des comportements et attitudes bien précises, pour espérer être ce que nos parents attendent de nous. Relisez bien la phrase, vous allez comprendre…

Ainsi, on ne devient pas « addict » par hasard. Il y a toujours une souffrance, un besoin d’amour qui est là. En tant que parent, l’on peut ne pas comprendre : on se dit qu’on lui a tout donné à cet enfant. Alors pourquoi « nous fait-il ça » ?

Ce qui compte, c’est ce que le jeune a dans sa tête.

Partant de ce principe, l’on comprend mieux celui qui s’alcoolise, se drogue, s’enferme toute la semaine dans sa chambre devant internet…

L’addictif est quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il est, qui se cherche, et qui en souffre.

C’est quelqu’un qui culpabilise, et qui tente d’oublier la médiocre image qu’il a de lui-même et du monde, à travers une activité ou un produit de « substitution ». Cette substitution vient combler cette impression de ne pas « exister ». L’addict vient chercher dans son monde à lui, ce qu’il ne trouve pas dans le monde réel.

Le souci c’est que cet objet, produit ou activité ne permet pas à l’addictif de s’en défaire. S’il le faisait, il souffrirait à nouveau. C’est pourquoi il préfère le garder, et va s’en servir dès qu’il ne sent pas bien, comme l’enfant a besoin de son doudou lorsqu’il se sent angoissé.

Le doudou, vient remplacer la maman qui n’est pas là. Le doudou, rassure, apaise. La bouteille par exemple, fait de même. Elle tranquillise, un temps. Et l’on devient vite habitué. Si bien, que cela devient un automatisme, comme pour l’enfant de saisir son doudou au moment d’aller dormir. Chez le malade il y a donc des rituels, des moments clefs : « c’est à un moment précis, dans une situation particulière qu’il me faut ma dose ».

Comment savoir si l’on est dépendant à quelque chose ?

Pour considérer cliniquement qu’il y a dépendance, il faut au moins 3 de ces signes sur une période d’un an. Cela dit, en cas de doute cela n’empêche pas de consulter.

Les signes :

  • Il y a une accoutumance (« je tolère de plus en plus facilement les fortes doses et/ou j’ai besoin pour ressentir des effets d’une dose de plus en plus forte »).
  • Un syndrome de sevrage : en cas d’arrêt de la substance, d’utilisation de l’objet, de l’acte, je ressens un manque, je suis stressé, tendu, angoissé, j’ai des troubles de l’appétit, du sommeil…
  • Une incapacité à gérer sa consommation : l’on consomme plus qu’on ne le voulait au départ, on se sent débordé..
  • Des efforts infructueux pour tenter de gérer cette consommation.
  • Un temps de plus en plus important accordé pour se procurer le produits, l’objets, ou réaliser l’acte
  • Un abandon des activités sociales, culturelles au profit de la dépendance.
  • Une poursuite de la consommation malgré la conscience du problème.
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  • « Je suis pas un malade » : lorsqu’on présente les signes ci-dessus, ou que l’on nous le fait savoir, l’on est bien, malade. Inutile de nier. Qu’on se rassure, cela se soigne. Et il y a plus de personnes atteintes d’addictions qu’on ne le croit.
  • Tremper son doigt ou ses lèvres à 7-8 ans, dans le verre d’alcool de papa ou maman, ne fait pas de l’enfant un alcooliques potentiel. Cela n’a rien à voir, c’est la découverte du goût et l’envie de partager ce que les grands ont, tout simplement. Mais il faut que cela reste exceptionnel, non une habitude.
  • Un ados de 16 ans, qui, le week-end fume un joint, passe toute la journée devant les jeux vidéo, ou s’alcoolise, n’est pas « malade », et n’a pas nécessairement (sauf si cela est en très grande quantité ou fréquence) un problème. Il faut bien « que jeunesse se fasse ».
  • « Plus on est grand est costaud, plus l’on supporte mieux l’alcool ». C’est faux. Il y a plusieurs facteurs qui rentrent en jeux : ce qu’on a mangé avant, ou pendant la consommation, l’âge, la fatigue, le degré d’alcool…
  • « Il y a un gène de la dépendance ». Non. Si votre père était alcoolique, cela ne fait pas nécessairement de vous une personne alcoolique.

En finir avec les préjugés :

Pour une meilleure prévention et une bonne réaction : du côté du parent :

  • Communiquer dans la famille : c’est la base pour éviter bien des soucis. On parle de tout à tous les âges. Il faut alors adapter son discours. Faire de la prévention c’est expliquer le « pourquoi des choses ». Bien plus utile que de dire « parce que c’est comme ça et puis c’est tout ». Dans ce dernier cas, par défit de l’autorité (et on le sait, l’ado aime ca), il y a de grandes chances pour le jeune aille à l’encontre du « parce que c’est comme ça ».
  • Poser le cadre et s’y maintenir (heure de rentrée, conditions diverses…) et assurez vous qu’il a bien compris votre message.
  • Ne pas fuir le conflit : c’est qui le « patron » à la maison ?
  • Pas de relation d’égal à égal (vous n’êtes pas des copains) avec son enfant : sinon, comment sanctionner, interdire ?
  • Pousser le jeune à s’investir dans la vie de la collectivité : associations, sports et loisirs…
  • Montrer l’exemple : difficile d’être crédible lorsque vous dites à votre enfant qu’il ne faut abuser de l’alcool alors que vous-même étiez « bourrés » le week-end dernier. Il faut être cohérent. Les parents qui se vantent de leurs exploits alcooliques devant leurs amis, pensant que l’enfant ne comprend pas ou n’entend rien, se trompent lourdement. L’enfant pensera qu’être adulte, c’est tout s’autoriser. Plus tard, il tentera d’être comme ses parents, ce qu’on appelle couramment un « adulescent » (adulte ayant un fonctionnement de gamin).
  • Exprimer vos émotions, vos inquiétudes : d’une façon générale, dans n’importe qu’elle occasion, renfermer ses émotions ne facilite pas la communication dans la famille.
  • Avoir une relation transparente avec son gamin, une confiance, une franchise: vous ne pouvez être derrière votre enfant à chaque occasion, et te toute façon, il est hors de question que cela le soit: une relation parent-enfant, c’est sur la confiance que cela se passe. Alors s’il est convié à une soirée alcoolisée, s’il vous dit qu’il sera prudent, faites-lui confiance. Vous n’avez pas le choix. Vous n’aller tout de même pas le priver de sorties sous prétexte que vous êtes inquiet. Le risque est qu’il transgresse dans votre dos et sans filet de sécurité. Vous ronger les ongles en attendant son retour est le commun de beaucoup de parents qui n’ont pas instauré la confiance totale dans leurs relation avec l’enfant. Dans ce cas, il convient de vous poser des questions, parmi la première : pourquoi ?
  • C’est toujours intéressant de rencontrer les amis de ses enfants : d’où l’intérêt de laisser les « copains/copines » venir à la maison et de tisser des liens avec eux. Vous vous ferez une idée et pourrez faire passer quelques messages de préventions à travers eux, à l’occasion. Vous enfant en acceptera l’idée d’autant plus facilement que dès son plus jeune âge vous aurez pris l’habitude de rencontrer ses amis, voire les parents de ses amis (si encore petit).
  • Si dans la sortie de votre enfant il risque d’avoir de l’alcool, qui se charge de raccompagner tout le monde sans avoir consommé ? Qui sera le « capitaine de soirée » ? Soulevez le problème, et soyez ferme sur le sujet. Pas de chauffeur « clean » = pas de sortie avec alcool.
  • Pourquoi ne pas laisser quartier libre chez vous ? Après tout, s’il sont en « âge » de consommer de l’alcool, autant que cela se passe sous votre toit (que vous soyez dans une pièce d’a côté ou absent). La loi nous dit qu’avant 18 ans, l’alcool est interdit aux mineurs, mais l’on sait tous que dès 16 ans, ils s’y mettent (avant cet âge, c’est bien trop jeune). Le tout c’est qu’il n’y est pas d’excès. Par contre, un compromis dans ce cas, peut être intéressant : consommer à la maison, oui. Mais en échange vous récupérez toutes les clefs des moyens de locomotions (scooters, voitures). Donnant-donnant. A la limite, que tous ces jeunes passent la nuit à la maison. Ce n’est pas être permissif que de mettre votre orgueil de côté. De votre temps il n’en était même pas question, vous n’auriez jamais osé. Mais la société évolue, à vous d’évoluer avec.
  • Si votre jeune rentre alcoolisé ou sous emprise de toxiques, sécurisez-le. Ne lui donnez rien à boire ou à manger. Questionnez-le sur sa consommation ? Quelle drogue ? Quelle alcool ? Combien ? Prenez les clefs de son véhicule, surveillez-le jusqu’à ce qui s’endorme. Et veillez-le la nuit. Pensez à le coucher sur le côté, en position fœtale : s’il vomi, il ne s’étouffera pas avec. En cas de doute, appelez les urgences (18, 15).
  • Discutez-en le lendemain : le moment même, c’est impossible d’avoir une communication. Ne le culpabilisez pas, ce qui est fait est fait. Mais faites lui part de votre souffrance, de votre inquiétude. Et réaffirmez le cadre. Soyez ferme mais pas fermé à la communication. Sanctionnez si-besoin, après avoir entendu et compris la parole du jeune. Si cela devient une habitude et que vous ne contrôlez pas la situation, faites consulter. Par ailleurs, les cris, les claques, les coups, n’arrangent rien, au contraire cela empire les choses.

Pour une meilleure prévention et une bonne réaction : du côté du jeune :

  • Ne te laisse pas « emmener » dans un « délire », que tu trouve risqué ou malsain. Tes vrais amis doivent comprendre et respecter tes opinions, tes choix, et non te forcer. Sinon, ce ne sont pas de vrais copains, mais plutôt des personnes à classer dans « des connaissances » à éviter ou à côtoyer de loin. Pose toi la question : comment tu as fait pour en arriver a côtoyer des individus pareils ? Choisi bien tes amis. Des fois, mieux vaut être seul que mal accompagné.
  • Ne pas monter dans le véhicule d’une personne qui est sous emprise d’alcool, de toxiques… Ou alors prends le volant si tu as le permis. Le cas échéant, demande à un adulte que tu connais de venir te chercher. Si tu es en discothèque, vois s’il n’y a pas un système de navette, de bus. Tu te sentiras peut-être idiot auprès de tes « amis », mais au moins tu seras en vie. Ne pense surtout pas que les accidents n’arrivent qu’aux autres, tu te trompes. Et avant toute sorties, il faut décider du « capitaine de soirée », celui qui ramène les autres sans avoir consommer. Contrairement à ce que tu crois, être une personne responsable et mature, c’est assez « classe » et ça impressionne.
  • Par contre, ne cherche pas à impressionner le sexe opposé de façon idiote : si pour impressionner une fille, un garçon, tu te sens obligé de « faire le con », tu crains un peu. Si il ou elle est « une personne bien », pourquoi serait-il/elle impressionné(e) par quelqu’un qui prend des risques inutiles et stupides ? Il n’y a que dans les films qu’on aime les kamikazes. Tu as envie de passer pour un gosse ?
  • Connais tes limites : tu as bu, tu as fait une « cuite », tu fais tourner un joint…Tu as des limites qui te sont propres : respecte les. Sinon, tu perdras le contrôle, tu « glisseras ».
  • Evite les mélanges : cela te fais « partir » encore plus vite dans la perte de contrôle et c’est dangereux pour ton organisme. De plus tu seras malade à coup sur. Et il est à tout prix hors de question de mélanger alcool et médicaments ! A moins que tu ne cherche à être dans le coma…
  • Ne jamais, mais jamais, laisser son verre sans surveillance, ou se faire servir sans tu ne vois la personne verser totalement le liquide dans ton verre. Et ne pose pas ton verre quelque part en soirée sans l’avoir vidé. Le GHB tu connais ? C’est la drogue du violeur. Tu seras totalement incapable de réagir. L’on a vu plusieurs cas, où les « amis », ont en servi à leurs camarades…Et il y aussi, des somnifères qu’on peut glisser dans ton verre. Et dans certaines discothèques c’est le barman qui te drogue ! Ce conseil est valable aussi bien par les filles que les garçons. Un garçon ne peut pas se faire violer ? C’est faut. Et en plus, on peut juste avoir envie de te tabasser plus facilement.
  • Ne pas boire d’alcool à jeun : l’alcool va être assimilée très rapidement par ton organisme. Si tu ne mange pas en même temps, tu risques de « tomber dans les pommes ». A ce propos, tu as déjà vu le crâne de quelqu’un qui tombe par terre, sous l’effet d’alcool ou de drogue ? Pas terrible…Le crâne est lourd et fragile, alors prends-en soin si tu veux avoir encore la vie devant toi.
  • Tu sens que tu « parts » ? Appuie toi, dos contre un mur, laisse toi glisser en douceur, et allonge toi sur le côté. Tu éviteras de t’étouffer avec tes vomissements (visiblement cela ne valait pas le coup de dépenser autant d’argent pour tout renvoyer). Et demande à ce qu’on appel les secours, car là, tu es mal barré.
  • Les drogues et l’alcool vont lever tes inhibitions : en gros tu auras l’impression d’avoir plus confiance en toi. Le problème, c’est que c’est en apparence, donc le problème est toujours là. Et tu ne seras pas « toi ». Tu seras un autre. Tu risque de « saouler » tout le monde. Dans une soirée où il y a du beau monde, t’as envie de « faire pitié » ?
  • Jeune-homme : les drogues et alcools vont faire baissé ton érection : alors si tu veux impressionner une tantine avec, c’est plutôt mal parti.
  • La plupart des gens qui n’ont pas décroché d’une addiction à temps n’ont pas de job, n’ont pas une vie « normale », et souffrent. Une consommation, un acte, il faut que cela reste un plaisir, et non un besoin. Et si cela t’empêche de réussir l’école, l’entente à la maison, pose toi sérieusement des questions.
  • Les parents sont-là pour te dires ce qui est bien ou mal. C’est leur boulot, même si des fois ils ne savent pas le dire comme il faut, cela ne veut pas dire qu’il ne te comprennent pas. Et s’il ne t’aimaient pas pourquoi feraient-ils un « cas avec toi » ?
  • Tu as un souci : va consulter. Si t’a pas d’argent, des psy sont arrangeant. Et un mineur de 16 ans peut consulter un psy, un médecin tout seul, tenus au secret médical Par contre le mieux c’est toujours d’en parler aux proches. Mais si c’est impossible ou que tu as moins de 16 ans, parle en à l’infirmière de ton collège, lycée…Par ailleurs, il y a des associations pour en discuter.

Des trucs pas idiots :

  • Se former au secourisme : votre jeune ou vous. Cela aide toujours, d’ailleurs il y un volet prévention concernant l’alcool et la drogue.
  • Mettre des livres à disposition sur le sujets, adaptés à l’âge du jeune et ce, le plus tôt possible. Il faut parler aux plus petits du comportement idiot de certains grands : la prévention sur les addictions on peut commencer dès 4 ans. Suffit de commencer par expliquer pourquoi papa et maman ne boivent pas du vin comme un jus de fruit.
  • A mon cabinet, une maman avait pris rendez-vous pour son ado. Le jour « J », « il ne veut pas venir » me dit-elle. C’est à vous en tant que parent de faire le loi chez vous et non le jeune. Emmenez-le consulter, et laissez se débrouiller le psy avec votre enfant. C’est son métier.

Des lectures :

  • Fecilitas Vogt ; Cornélia Bender, Les jeunes et la drogues : oser en parler, 2005, Aethera, 114 pages, environ 12 euros.
  • Auschitzka Agnès, Avec nos enfants : traverser les épreuves de la vie, Bayard, 2001, 265 pages, environ 18 euros.

Des numéros utiles :

  • Association Nationale de Prévention en Alcoologie et en Addictologie, St Denis, 0262302296.
  • Un besoin d’être écouter, compris ? Sur toute l’île :

SOS Solitude : 0262258305.

Article publié en Septembre 2010, magazine Belle, supplément hebdomadaire du journal « Le Quotidien », Ile de la Réunion.

Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion

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