DANS DIX ANS – Le «love to love you baby» version 2026…ça fait peur ou ça donne envie ?
Essentielle: Est-ce qu’on peut imaginer que la façon de faire l’amour peut évoluer au fil des années ?
GOULOIS David: Oui très certainement. En fait, les moeurs (entendu les comportements individuels d’un société donnée) évolueront avec leur époque comme cela l’a toujours été.
Ainsi, la pratique du pluralisme était déjà courant et valorisée chez les grecs et romains de l’époque antique, pour devenir il y a encore quelques décennies en Europe, « un vice », « une perversion ». Aujourd’hui cette pratique est de plus en plus vulgarisée; sans pour autant dire qu’elle est courante, elle « choque » de moins en moins l’opinion. Le sexe, comme tout comportement, c’est donc une question d’époque. On ne fait qu’interdire ce qui a été autorisé par le passé dans certaines cultures, et inversement, autoriser ce qui était interdit jadis. Cela, à tour de rôle. En 2026 l’on sera dans la même configuration: peut-être qu’avec l’avènement de l’hygiènisme extrême vers lequel l’on va, les pratiques orales que sont le cunnilingus ou la fellation seront proscrites, et que d’autres apparaîtrons.
Essentielle: Quels sont les exemples des changements – s’il y en a eus – de ces dernières décennies ?
GOULOIS David: Justement, il y encore 50 ans, avant la révolution des moeurs occidentales des années 70, le fellation, le cunnilingus et le sexe anal étaient très mal vu. Ce sont aujourd’hui des classiques, surtout en ce qui concerne les deux premières pratiques et presque aucun homme et femme ne l’entendrait d’une autre façon.
Egalement, l’on voit émerger de plus en plus de pratiques « hors des sentiers battus » (à savoir dans sa chambre, le week-end et après le coucher des enfants) comme l’échangisme, les pratiques bisexuelles (dont les trio), le rough sex…Le sado-masochiste était déjà bien installé et était surtout l’apanage des aristocrates ou autres élites. C’est maintenant quelques de classique. De même le recours aux sex-toys…L’on est passé d’une sexualité complexée, taboutisée, à une sexualité plus libre, moins cachée et finalement normalisée dans ce qu’avant l’on considérait comme de la perversion.
Essentielle: Comment imaginez-vous le sexe en 2026 ?
GOULOIS David: Je pense notamment à une série sur laquelle je suis tombé une ou deux fois: Humans. Je me souviens de robots humanoïdes, dont certains étaient spécialisés dans le registre de la sexualité. Egalement, des personnage humains, s’autorisaient des commentaires graveleux à propos de ces humanoïdes, les désirant autant que leurs congénères, fait eux, de chair et de sang. Il,me semble que cette forme de relation à l’artificiel à déjà commencée, dans un registre encore soft pour l’instant: l’un de mes fils m’ayant demandé pour Noël, un chien robot qui répond et obéit aux injonctions de son maître…alors que nous avons un véritable petit-chien à la maison. Il y a certainement l’idée dans la nouvelle génération, de vouloir satisfaire un besoin de domination sur autrui, faisant fi de l’émotionnel au profit de son propre plaisir et sans frustration: aujourd’hui le chien robot, demain l’humanoïde? Se pose la question du sexe avec ces casques de réalité virtuelle (cela a déjà commencé).
Je ne pense pas qu’il y aura trop de débordements comme certains peuvent le craindre, je pense que les lois sur la prostitution, notamment infantile se renforceront de plus en plus, en fonction des besoins. La seule chose que je puisse craindre, c’est la dominance du non-relationnel dans le sexe au profit de ses besoins à soi, sans tenir compte des besoins de l’autre: c’est ce que promettent justement ces humanoïdes et casques de réalité virtuelle. A moins d’inventer des programme capable de frustrer le consommateur; mais là encore, ce serait de toute façon, artificiel.
Essentielle: Quelles seront les raisons qui motiveront ces choses que vous prédisez ?
GOULOIS David: Je pense qu’on ira de plus en plus vers un nouveau genre humain, plus solitaire, plus consommateur et moins tourné vers l’autre. Il faut être réaliste, et savoir vivre avec son temps. Je ne pense pas qu’on pourra lutter contre cela; au mieux juste accompagner et se faire progressivement à cette transition. Après tout, à la sortie d’Internet, les anciens voyaient cela d’un très mauvais oeil…
Remarque, je suis convaincu que d’ici quelques décennies voire un siècle, certaines professions seront concurrencées par des programmes informatiques. Pourquoi pas celui de psychologue ou sexologue d’ailleurs…
Essentielle: Des poupées gonflables de plus en plus sophistiqués pour les hommes et les femmes : en 2026 pourrons-nous nous passer d’un autre être humain dans la voie du plaisir…à deux ?
GOULOIS David: Actuellement non. Mais il faut penser dans un autre contexte. Dans le futur, l’humain n’aura pas les mêmes besoins, les mêmes désirs, car n’aura pas été élevé avec les mêmes repères que vous et moi pourrions avoir actuellement. Aussi, même la réalité biologique pourrait s’en retrouver perturbée, ou en tout cas, adaptée au seul besoin du psychisme. Nous sommes dans une aire, où le psychologique domine tout (alors qu’avant c’était le contraire), au point même où des gens viennent nous dire qu’il ont développé un cancer pour un burn-out au travail (ce qui est totalement faux). D’ailleurs, il n’y jamais eu autant de psy qui écrivent dans les revues ou sur le net…Bref, dans le futur, en 2026 ou dans quelques décennies plus tard, l’on modifiera ses besoins et donc ses attitudes et comportements.
Publié dans la revue Essentielle, Océan Indien.
Laisser un commentaire