Faire l’amour en étant parents : comment s’organiser ?

Faire l’amour en étant parents : comment s’organiser ?

Essentielle : Etre parent, ça change la vie sexuelle ?

David GOULOIS : Absolument. Déjà, pendant la grossesse : l’on fait plus attention car le corps de la femme change, donc certaines positions deviennent plus compliquées…Et puis dès fois, l’un ou les parents ne se sentent plus d’avoir des rapports avec bébé dans le ventre. Et enfin, il y a les cas de grossesses pathologiques qui interdisent les pénétrations. Puis, lorsque bébé nait, l’on préfère attendre un bon mois pour laisser la mère se remettre avant d’avoir des rapports. Et par la suite, bébé ne fait généralement pas ses nuits avant 4 mois, ce qui perturbe le rythme de vie du couple et provoque de la fatigue. Il y a aussi les enfants qui sont malades (classique durant la première année) qui vont influer sur la vie de leur parents…Bref, il y a pleins d’exemples qui montrent qu’être parents, change le vie sexuelle. Dire que la venue d’un enfant ne bouleverse en rien la vie sexuelle d’un couple est un mensonge ou un déni. Après il est vraie qu’elle ne bouleverse pas tous les parents de la même façon : cela dépend de nombreuses circonstances.

Essentielle : Comment et pourquoi ?

David GOULOIS : Il y a un temps pour tout et c’est le bébé dans un premier temps, puis la mère dans un second temps, qui donnent le rythme. Alors, le père ne prend souvent qu’une place d’observateur de cette dyade mère-enfant. Ce qu’il ne devrait absolument pas faire, s’il veut retrouver une vie sexuelle. Moins il s’impliquera dans la puériculture et les tâches du foyer, plus la mère fusionnera avec son enfant. Et plus elle fusionne, moins elle a envie d’être amante ne pensant qu’à être mère. Si cela était courant en Europe, c’est beaucoup moins le cas aujourd’hui. Mais c’est toujours un classique du fonctionnement créole réunionnais « traditionnel » et que j’imagine peut-être aussi, mauricien ! C’est d’ailleurs pour cela qu’on parle dans ces sociétés, de matri-focalité qui se transforme par la suite en matriarcat…

Essentielle : A ce moment de la vie, comment s’épanouir sexuellement à deux ?

David GOULOIS : La communication reste la base. Le soucis, est que souvent les hommes, n’osent pas dire qu’ils ressentent une frustration sexuelle. Du fait d’une crainte à passer pour égoïstes face à cette représentation « idéalisée » de la relation mère-enfant. D’autant qu’ils s’excluent d’eux-mêmes et que comme je l’ai dit, en terre créole dite « traditionnelle », l’on tend aussi à l’exclure de sa place parentale.

Le couple doit rapidement, trouver le moyen de faire garder son enfant par une personne de confiance pour se retrouver, pour ne serait-ce que sur certains moments de sa vie quotidienne, se retrouver dans la complicité, comme « amants » (au sens large, pas que sexuel). Le couple ne doit pas s’enfermer dans sa vie parentale, au risque sinon d’exploser le couple.

Essentielle : Qu’est ce qu’il faut éviter afin qu’une mauvaise dynamique ne s’installe ?

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David GOULOIS : Ne pas rester sur des nons-dits. Se mettre à la place de l’autre et ne pas tomber trop rapidement dans le jugement, la condamnation. Il faut verbaliser ce qu’on ressent : être parent, que l’on soit jeune ou non, renvoie toujours à des questionnements : serait-je à la hauteur de ma fonction parentale, est-ce que je ferais aussi bien ou mieux que mes propres parents ? Cela fait aussi écho à des blessures du passé. Bref, contrairement à ce que l’on croit, être parent n’est pas qu’instinctif ; cela nécessite beaucoup d’énergie et créé des angoisses fonction de son propre vécu infantile et des conditions de vie du moment  : l’on est responsable de quelqu’un d’autre que soi, maintenant. Pour autant, il ne faut pas vivre pour et à travers son enfant. Ce serait le faire grandir avec une énorme dette psychique envers ses parents l’empêchant de devenir lui-même.

Essentielle : Que peut-on conseiller à un jeune couple de parents ?

David GOULOIS : Que l’on soit jeunes parents, parce que jeunes en âge ou parce qu’il s’agit de son premier enfant, il y a plusieurs choses à considérer :

  • Prévoir une chambre pour bébé : on le bascule dans sa chambre avant sa première année maximum.
  • Accepter de ne pas pouvoir ou vouloir allaiter : ce qui compte c’est que la mère soit bien dans son esprit pour que bébé le soit aussi. Alors, si pas de lait, pas de panique : vive le lait maternisé !
  • Prévoir divers moyens de garde pour le soir et le week-end : nourrice, membres de la famille.
  • Ne pas oublier d’avoir un temps pour soi : un moment sans son conjoint, sans son enfant, une fois par semaine, de 2 ou 3 heures. L’on « déconnecte ».
  • Avoir des projets : reprendre le travail, les études, faire partie d’une association, d’un club…Il faut une vie sociale et avoir le sentiment d’être utile, d’exister, autrement que dans le couple et la vie parentale. Même s’il est vrai, qu’on a moins de temps pour cela.
  • Jouer : prendre du temps pour jouer, régresser. Un couple doit s’amuser.

Publié dans le magazine Essentielle, Océan Indien.

Dr GOULOIS David, Psychologue La Réunion, St Pierre 974

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