Depuis que l’on a divorcé, mon enfant me mène en bateau

Depuis que l’on a divorcé, mon enfant me mène en bateau

Divorcer amène un double processus de deuil. Du côté des parents, c’est faire le deuil d’une relation qu’on avait fantasmée presque idéale, en tout cas, en correspondance avec nos attentes très personnelles. Du côté de l’enfant, c’est faire le deuil du fantasme du couple parental indestructible, inséparable…

Aussi, lors d’une séparation conjugale douloureuse, certains parents tentent inconsciemment ou non, d’obtenir une relation « privilégiée » avec le gamin : l’on devient plus cool, on laisse passer plus de choses…Parfois le parent le fait par intérêt, par envie d’obtenir la sympathie de l’enfant et de le liguer contre le parent « adverse ». L’enfant se retrouve alors au centre d’un cours de tennis, telle une patate chaude, qu’on lance à l’adversaire en espérant, qu’il n’arrive à la conserver et perde la partie…

D’autres fois, l’enfant profite lui aussi, inconsciemment ou non de la situation : le divorce parental devient l’occasion de faire culpabiliser les parents, culpabilité déjà très souvent présente, afin d’obtenir quelques faveurs.

Faveurs, qui peuvent être plus rarement matérielles, plus souvent affectives. Ainsi, de la petite fille, qui a maintenant son papa pour elle toute seule, de pouvoir alors réaliser inconsciemment, sont complexe d’Oedipe en devenant alors la « femme » de papa. L’inverse du côté des garçons étant valable également.

C’est que l’enfant dans cette affaire, a le besoin d’attirer sur lui les regards des adultes, d’attirer les parents sur sa souffrance et accessoirement de leur faire payer sa propre souffrance en les faisant souffrir à son tour.

Bien sûr il y a des séparations qui se passent en bonne intelligence, c’est-à-dire, entre adultes responsables, sans déchirements hystériques…M’enfin, cela reste tout de même pas si courant.
Ainsi, je m’attelle davantage à discuter de ces couples qui explosent et qui en feront « profiter » leurs enfants.

Je disais donc, que dans l’effondrement de la stabilité du monde de l’enfant qui tournait (et qui devait tourner) essentiellement autour des parents, cet enfant se retrouve souvent dans l’impossibilité d’exprimer sa souffrance et donc utilise tous les subterfuges possibles, pour se faire entendre d’une manière ou d’une autre.

Depuis que l’on a divorcé, mon enfant me mène en bateau 1

Il faut dire que les parents dans ce genre de situation ont du mal à trouver eux-mêmes un certain équilibre : d’un ménage à deux l’on passe à une ménage à trois (ou plus) avec la venue de l’enfant, puis l’on passe à une vie monoparentale. Il y a comme la fracture d’un point de repère dans l’existence de l’enfant. Question : à partir de quel âge un enfant souffrira t’il de la séparation de ces parents ? Dès les premiers instants de vie s’il ressent que le parent avec lequel il reste est en détresse…

Chez les parents, il y aura celui qui n’écoute pas l’enfant parce qu’il ne voit que sa propre souffrance à lui ou que la souffrance de son gamin le fait trop souffrir lui-même.

Et il y aura, le parent qui par culpabilité ou simplement convaincu que son enfant souffre comme lui-même a souffert petit, écoute trop l’enfant dans sa plainte ne laissant pas à l’enfant trouver ses propres ressources pour dépasser sa propre souffrance.

Le parent du juste milieu étant assez rare.

Alors comment répondre à l’enfant qui semble vous mener par le bout du nez :

  1. Faire un travail de votre côté : na pas culpabiliser. Si un enfant perçoit votre culpabilité concernant votre séparation il s’engouffrera dans cette brèche, et pourra le cas échant vous faire payer sa propre souffrance. En vous faisant mal (psychologiquement, voire même physiquement), en se faisant du mal pour vous faire du mal, en ayant des comportements dangereux. Vous vous êtes séparé d’avec votre conjoint, que vous en soyez l’acteur ou que vous le subissiez, assumez-le.
  2. C’est une affaire de grands : Elle ne concerne pas les enfants. Aussi l’enfant n’a pas a être le confident de votre souffrance, ou encore des démarches engagées concernant le divorce. De même, ne pestez pas contre l’ex-conjoint, même si ce dernier n’était pas une « perle ». Que l’enfant estime ou non votre ancien conjoint, votre enfant n’a pas a partager votre haine, votre rage. Encore une fois, c’est à l’adulte de porter la souffrance de l’enfant, et non l’inverse. Soyez mature même si c’est difficile. Si c’est trop dur, faites-vous aider psychologiquement.
  3. Faire la part des choses : ce n’est pas parce que votre enfant à un comportement différent d’avant la séparation qu’il le fait exprès pour vous faire du tort. Un enfant, en particulier avant l’adolescence n’exprime pas sa souffrance comme un adulte. Il n’utilise pas nécessairement la verbalisation de ses émotions. Aussi lorsque l’enfant va mal, des fois, il le traduit par son corps et émotionnellement. Un enfant qui souffre, ne rationalise pas. Ca c’est le job des parents. Maladies psychosomatiques (l’enfant manifeste sa souffrance à travers des maladies ou des symptômes corporels :  vomissements, douleurs d’estomac, énurésie, encoprésie, troubles du sommeil…) mais aussi troubles du comportement (troubles de l’attention, de la concentration notamment à l’école, agressivité, repli sur soi…). On observera aussi les résultats scolaires. En général une chute des résultats va de paire. Pour l’adolescent, les mêmes symptômes sont observables, mais l’ado entrant dans l’âge adulte, la verbalisation est d’avantage possible : on fera tout de même attention aux comportements de toxicomanie, d’alcoolisation, de comportements à risques…Les comportements à l’intérieur de la famille, de la fratrie devront aussi être observés.
  4. Communiquer : expliquer à l’enfant ce qui se passe, aidez-le à verbaliser pour lui ses propres émotions. Parlez-lui de l’avenir : l’avenir s’il n’est pas expliqué est terriblement angoissant. Parlez de vos projets avec l’enfant. Encouragez-le, valorisez-le.
  5. Déculpabilisez l’enfant : il faut déculpabiliser votre enfant. Certains enfants se sentent coupable de la séparation de leurs parents. Il faut pour cela dédramatiser les choses (ok le couple se sépare mais la vie continue). Justement c’est là qu’on voit toute l’importance de la communication et l’importance de montrer à l’enfant que ne doivent être concernés que les adultes.  Si l’enfant doit avoir son mot à dire concernant sa souffrance, il ne doit pas avoir son mot à dire dans les histoire de cœur des adultes.
  6. Remettre l’enfant à sa place : des fois certains enfants se prennent inconsciemment un rôle d’adulte, voire de parent ou de conjoint de substitution. Si les parents laissent faire, ils sont donc complices ; Hors de question que l’enfant fasse sa loi à la maison : il ne remplace ni le père, ni la mère, ni le mari, ni la femme…A la maison, il n’y en a qu’un qui commande : le parent. Faites vous respectez et faites votre loi.
  7. Ne pas céder au chantage : grand classique. « Si tu m’offres pas ça, si tu ne permets pas ceci, je reste avec maman ou papa »… », « Chez papa, maman, j’ai le droit de faire ça… », « lui ou elle, me permets au moins de faire ci ou ça…tu ne m’aimes pas alors ». Ne cédez pas. N’oubliez pas que ce qui compte c’est l’éducation, la transmission des valeurs à votre enfant. Aussi, si pour cela il faut que vous vous fassiez légèrement « engueuler » par votre gamin et bien ma foi, c’est votre job de parent.
  8. Consultez : un divorce, une séparation, ce n’est pas rien. Consultez, une fois pour vous, une fois pour l’enfant, cela peut-être vraiment nécessaire, ne serait-ce que pour s’assurer que rien de cloche, et pour se rassurer en tant que parent.

 Article publié dans le magazine « Belle », supplément du « Quotidien », Ile de la Réunion

Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion

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